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Alexandre et la famille de Darius

Alexandre et la famille de Darius

Au début il n’y avait que cette vieille toile, achetée pour quelques centaines d’euros à une vente aux enchères de province ; encrassée par les vernis, piquée par les insectes et rongée par les moisissures, sa surface écaillée ne laissait deviner qu’une scène mythologique inidentifiable dans une architecture de portiques surplombée d’un ciel mouillé : selon toute vraisemblance, une toile vénitiennes comme il s’en vendait des centaines aux riches voyageurs du grand tour entre le XVIIIème et le XIXème siècle…

Le doute est arrivé quand les bois dorés qui l’encadraient se sont détachés et ont découvert, collée au dos, l’étiquette d’une maison de vente londonienne datée de 1807  l’attribuant au grand Véronèse… Même s’il ne faut pas s’emballer avec les attributions historiques, souvent très flatteuses, la chose devenait plus sérieuse et méritait un passage chez le restaurateur. La toile crasseuse a donc été nettoyée, restaurée et rentoilée pour découvrir dans sa lumière aquatique vénitienne originelle une version début XVIIème de l’Alexandre prenant sous sa protection la famille de Darius de l’atelier de Véronèse.

Ces versions n’étaient pas rares : vers 1620 les agents de la reine Christine avaient tenté d’acquérir pour la souveraine suédoise l’original de Paul Véronèse alors exposé dans le palais Pisani-Moretta à Venise ; devant la somme fabuleuse de 500 ducats demandée par le propriétaire, l’opération ne s’était pas faite, mais avait déclenché auprès de l’atelier de Véronèse une vague de commandes de versions de toutes tailles de cette œuvre monumentale : Le tableau de la Villa Cosmiana est l’une d’entre elles.

Comme toujours chez Véronèse, la scène édifiante qui reprend l’épisode de la clémence du roi des Grecs vainqueur envers la famille du roi des Perses vaincu n’est que prétexte à déployer des soieries chatoyantes dans des architectures minérales baignées de cette lumière mi-aigue-marine, mi-émeraude qui fait le génie de la peinture vénitienne. Les personnages hiératiques, drapés de rouge incandescent pour un Alexandre princier et de bleu nuit pour une Stateira orante, sont posés immobiles comme les pièces d’un échiquier dans ce décor immuable de portiques. Une impression générale de beauté, de grandeur, de luxe, arrêtée pour l’éternité et qui fait désormais l’orgueil de la collection de la Villa Cosmiana.

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